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Le bateau ivre

Justine Gasquet
    justine@melantropy.org
    75019 PARIS
    site

Formée à la création de décors de cinéma, Justine Gasquet, en sus de son activité professionnelle, dessine et réalise des vidéos plasticiennes et des installations.
Son installation Le bateau ivre est une traduction visuelle des dérives et des errances évoquées dans le long poème de Rimbaud.
Dans un espace aux murs noirs et à l’ambiance tamisée, trois aquariums présentent trois films différents, tournés sous l’eau. Les aquariums sont remplis d’eau et présentent un décor sous-marin, fait d’algues et de roches, qui n’occulte que très partiellement les images projetées. Des casques mis à disposition du public permettent d’écouter le texte et la musique. Au pied des socles supportant les aquariums, s’étalent des roches sous-marines aux contours adoucis par le ressac.
L’écran du milieu présente le film principal, celui qui est le plus directement inspiré du texte et qui en présente le contexte : la mer, les algues, le ressac inlassable. À gauche, les animaux qui peuplent l’univers sous-marin sont plus présents. Dans l’aquarium de droite, est figuré le naufrage sans cesse répété du bateau s’échouant dans les profondeurs.
Selon Justine Gasquet, le texte de Rimbaud « évoque une façon de discerner la beauté dans l’échec. Le bateau, personnage passif, était guidé par une volonté qui, une fois anéantie par les forces de la nature (les Indiens) le laisse libre d’aller au gré des fleuves et des courants. Ceux-ci l’entraînent dans leurs tréfonds, lui faisant découvrir un monde insoupçonné, qui lui serait resté inconnu s’il avait vécu ce qui était prévu. »
Le propos de Justine Gasquet est donc de montrer que l’on peut survivre à des accidents imprévisibles, que ceux-ci peuvent devenir de véritables révélateurs de mondes nouveaux, de potentialités insoupçonnées, de profondeurs belles ou tragiques. Ceci, bien entendu, à condition d’accepter la contradiction, les contrariétés, les points de vue divergents du sien, de se laisser guider, de s’abandonner un peu, de renoncer à ses habitudes et à ses prérogatives… L’artiste déclare : « Pour plonger sous la surface, il faut faire naufrage. Dans un monde où l’échec est tabou, comment parvenir à la profondeur des choses ? »
L’eau, dont on ne peut décider si elle est devant ou derrière l’image, extérieure au spectateur ou dans ses entrailles, dans le monde ou en dehors de lui, pesante ou en lévitation, est une métaphore limpide de l’inconscient, d’un état dans lequel les rêves et leurs fantômes affleurent. Microcosme et macrocosme se percutent, faisant perdre toute notion d’échelle, mais aussi d’espace et de temps.

LD